mercredi 26 mars 2014

TERRE DES HOMMES


« La terre nous apprend plus sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle »
Terre des hommes – Antoine de Saint-Exupéry (1939)

Les Fixie Riders du BORN TO RIDE 2016 auront l’occasion de « se mesurer avec l’obstacle », tout au long des 1900 km séparant Tanger de Tarfaya via les hauts plateaux et cols de l’Atlas et les terres arides – de sable et de roche – du Sud Maroc…

TRAVELS WITH A FIXIE IN MOROCCO


DE MARSEILLE À TARFAYA

De Marseille à Tarfaya en passant par La Rochelle, Paris, Doullens, Dover, Durness, Le Puy, Alès, Delhi et les Indes, Evian, Nice, Ar-Rachidia, Mhamid, New-York, Los Angeles et Tanger.

BORN TO RIDE…

DU NORD AU SUD DU MAROC

Après la France en 2012, l’Angleterre en 2013, à nouveau la France (Cévennes & Alpes) mais aussi l’Inde en 2014, les Etats-Unis en 2015, la saga BORN TO RIDE se poursuivra en 2016 du Nord au Sud du Maroc, de Tanger à Tarfaya, du Détroit de Gibraltar jusqu’au Cap Juby (via l’Atlas) sur les traces d’Antoine de Saint-Exupéry et de l’Aéropostale…

OÙ EST MODESTINE ?


Après le Prologue cévenol (cf. Travels with a Fixie in the Cévennes), la saga des BORN TO RIDE se poursuit – de plus en plus loin – toujours sur les traces de Modestine… (cf. Voyage avec un Âne dans les Cévennes – Robert Louis Stevenson).

Avec ce teaser, Chilkoot propose sa déclinaison du célèbre « Où est Charlie ? » avec « Où est Modestine ? ». Certainement plus dans les Cévennes…

mercredi 19 mars 2014

VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT


« VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT » (1)
BORN TO RIDE 2014 – Prologue LE PUY – ALÈS (15/16 mars 2014)

« Ça commence, comme un rêve d’enfant, on croit que c’est dimanche et que c’est le printemps » (2) mais c’est encore l’hiver à l’heure de s’élancer ce samedi 15 mars et les hautes terres cévenoles sauront nous le rappeler, sans ménagement.

Après les épisodes entre Marseille et La Rochelle d’avril 2012 et entre Paris et Calais d’avril 2013, c’est en mode « Prologue » que se poursuit la saga BORN TO RIDE en cette fin de premier trimestre 2014. Après plusieurs semaines à rêver tel un enfant de ce Voyage avec un Fixie dans les Cévennes (3), me voilà à 08H30 sur le quai de la gare SNCF d’Alès-en-Cévennes avec pour seul bagage un sac de messager Made in USA (Citizen Messenger Bag by Chrome) et un âne d’acier à pignon fixe de race BIANCHI Pista en guise de « Modestine » (3). 8H46, les trois voitures du TER diesel aux couleurs de la Région Languedoc Roussillon débutent leur longue ascension à destination de la capitale auvergnate Clermont-Ferrand.


Mon BIANCHI à robe blanche immaculée a trouvé place, pendu dans la dernière voiture. Deux stickers « LE PUY – ALES / la Stevenson » ont été fièrement positionné sur le cadre de mon compagnon de route et leur vue suffit à me mettre la pression : « Vais-je tenir la distance et plus encore le dénivelé ? ». Il faut dire que l’opus 2014 du BORN TO RIDE étant annoncé pour l’été (12/13/14 juillet) en « hors-catégorie » (EVIAN > NICE ou une traversée des Alpes de quelques 680 KM et 20 000 M de dénivelé), son prologue ne pouvait être une simple promenade du dimanche…  J’ai bien les chiffres en tête : 266 KM et +4889 M. Comme l’on dit, ça calme, surtout pour moi qui n’ait jamais fait plus de 170 KM non-stop à pignon fixe et dont la dernière longue sortie (en triple ! – UTMV Southman 2013) s’est terminée plus tôt que prévue à 155 KM au lieu des 188 prévus… ça calme aussi lorsque l’on sait qu’au même moment, le strasbourgeois Simon Kirscher* s’apprête à son tour à prendre le train depuis Clermont-Ferrand en direction du Puy-en-Velay et que le Seigneur local, Thierry Saint-Léger**, nous rejoindra en soirée à La Bastide Saint-Laurent. Fin janvier, j’ai vu ces deux-là escalader sans difficulté le versant Sud du Géant de Provence (4) et j’aurai bien eu de la peine à les suivre…

Après les brèves haltes successives en terres reculées, je quitte l’omnibus sang & or en gare de Langogne pour une correspondance par minibus à destination de la gare SNCF du Puy-en-Velay.
BIANCHI et son bât (Citizen de CHROME) trouvent place dans le coffre du Mercedes et je m’assieds non loin d’eux pour une dernière heure d’itinéraire de regroupement. Pendant cette ultime liaison routière, j’échange quelques mots avec une jeune femme qui m’explique aller chercher des réponses à ses questions sur un « Chemin de Compostelle » de près de trois mois, à pied, entre Le Puy et Saint-Jacques de Compostelle. Mes – nos – prochaines heures à pignon fixe repassent soudainement en catégorie « Promenade du dimanche »…

11H30, me voilà « à pédale d’œuvre » devant la gare SNCF du Puy-en-Velay. Je regarde s’éloigner l’inconnue vers son inconnu, ce pèlerin à qui j’ai sûrement donné le tout premier cadeau d’une « longue route » (5) vers le Sud : le sticker de notre voyage entre LE PUY et ALES. Un voyage qui me paraît immense et pourtant si modeste en regard du sien. Trois mois, seule, avec pour bagages un sac à dos et toute « la casse » d’une vie d’avant à évacuer…


12H00 : Le train de Simon arrive du Nord. Il grelotte et endosse donc rapidement le maillot CHILKOOT blanc à bande tricolore frappé du dossard 67 et dessiné spécialement pour ce prologue. 12H45 : nous attaquons les premières pentes – soutenues – pour nous extraire du fond du Puy. Cap au Sud-Est, en direction de Brives-Charensac et du Monastier-sur-Gazeille par la D15 puis par la D535. Ça grimpe et il me faut vite quitter veste et bonnet : c’est déjà la surchauffe ! Après avoir basculés en fond de vallée de Gazeille, débute la longue et progressive remontée jusqu’au Monastier. Ville fantôme à l’heure du déjeuner à moins que ce ne soit la sieste du samedi, nous traversons le bourg silencieux où Robert Louis Stevenson fit l’acquisition de son ânesse « Modestine », celle qu’il allait tout d’abord maltraitée avant d’affectionner au point de verser quelques larmes sur la route d’Alès après l’avoir revendue à Saint-Jean-du-Gard au terme de son voyage. Dès la sortie du Monastier, on poursuit les montagnes russes, direction Saint-Martin-de-Fugères et Goudet.


Les paysages sont superbes. Pour moi et contre toute attente, les problèmes ou plutôt l’angoisse se manifestent dans les premiers mètres de la côte d’Ussel, stoppé net par un vent aussi soudain que violent. La panique s’installe alors que je vois filer Simon, loin devant en 46/17 moi qui suis en 44/22… KM 32, c’est déjà le KO. Les mains en bas du guidon, j’arrache le BIANCHI mètre par mètre en direction du plateau de Costaros. Au calvaire d’Ussel, je mesure le calvaire dans lequel je me suis élancé sans le moindre échappatoire. Pas de voiture d’assistance, plus de gare et la Chilkootmobile est hors d’atteinte (6) stationnée très loin au Sud en gare d’Alès le matin même. Je propose à Simon de parcourir seul le triangle du Bouchet-Saint-Nicolas de l’itinéraire originel de Stevenson pendant que je filerai droit vers Landos histoire de me refaire une santé. Simon préfère que nous poursuivions ensemble. Nous amputons donc le tracé originel d’une dizaine de kilomètres et filons droit sur Landos via la N88 puis la D88. Pour Simon, cela file vite. Pour moi, cela pioche. J’entame alors une longue et rectiligne procession esseulé à l’arrière alors que Simon et son VIVALO poursuivent à vive allure ! Point de bascule au Col du Rayol – 1240 M - (pas Canadel) où Simon a pris soin d’apposer un sticker Uncoasting Basterds, son Team, vers Pradelles puis Langogne et la santé qui revient à l’aide d’une longue et sinueuse descente jusqu’au creux de la vallée de l’Allier. C’est un Simon frigorifié que je retrouve à l’entrée de Langogne. Le moral revient d’autant que désormais j’ai l’avantage de connaître le parcours jusqu’à Alès (à l’automne 2009, j’avais réalisé à VTT – avec remorque – un LANGOGNE – VILLEFORT suivi d’un BLEYMARD – ALES en Touran).

Langogne derrière nous, nous obliquons à gauche pour traverser  vers l’Est le splendide et sauvage massif de la forêt de Mercoire. Les montagnes russes se poursuivent et creusent même leurs courbes au point de devoir mettre pied à terre et de pousser le BIANCHI dans le raidard à la sortie du Cheylard-L’Evêque puis dans la remontée vers L’Espradels. Vient ensuite la belle et sinueuse descente sur Luc et son château. La neige est encore présente par plaques sur les bas-côtés et dans les prairies avoisinantes. Le ciel a viré au gris monochrome et le froid se fait piquant alors que le jour commence son déclin. Toujours à l’arrière, je retrouve Simon et enlace Thierry Saint-Léger à la Bastide-Puylaurent. Secrètement, je me réjouis de retrouver enfin Thierry car je sais qu’il saura trouver un rythme plus adapté à mon niveau que celui imprégné depuis le Puy par le fougueux et rapide Super Simon. Laissant derrière nous la Bastide et sans avoir fait halte malheureusement à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges, nous poursuivons la remontée de la vallée de l’Allier jusqu’à Chasseradès avant de plonger sous le viaduc de Mirandol.


Nous voilà désormais au pied du premier gros « chantier » : la traversée du Goulet depuis L’Estampe ou 8 km d’ascension d’une montagne de solitude. A partir de là, plus un hameau, plus une âme qui vive jusqu’au Bleymard. J’invite Thierry et Simon à aller de l’avant pendant que je grimperai à mon rythme. Très vite, dès la sortie de L’Estampe, je me retrouve seul entre chiens et loups. La luminosité tombe peu à peu jusqu’à ce que la pleine lune – bienveillante – ne prenne le relais. Le « Voyage au bout de la nuit » (1) commence. Tout d’abord inquiétant, puis angoissant, il devient ensuite oppressant avant de basculer finalement dans le transcendant. Alors que ma transhumance arrive au sommet du Goulet, je mesure toute l’intensité du fameux « No pain, No gain ». Je le mesure d’autant plus que quelques heures plus tôt, je demandais par SMS à Thierry que la voiture le conduisant à notre rencontre de Florac à La Bastide veuille bien m’attendre pour me convoyer – épuisé – de La Bastide au sommet du Col de Finiels. Finalement, Thierry s’étant fait déposer au Bleymard et étant venu à Fixie jusqu’à La Bastide, mon échappatoire à moteur n’avait jamais pu exister et Le Goulet était devenu une obligation. D’obligation, il venait de devenir une révélation et c’est tout sourire que je plongeais à présent vers les lueurs du Bleymard, six kilomètres plus bas, pour rejoindre mes deux compagnons de voyage et le ravito déposé sur place par Thierry.


20H30. BIANCHI soigneusement adossé en terrasse, j’entre nauséeux dans La Remise (Le Bleymard) où Simon et Thierry ont trouvé refuge, au chaud. C’est salle hors-sac, autour d’un café, de bananes, d’un sandwich made in Florac, de coca et de cacolac. Simon et Thierry poursuivent leur discussion fixée pendant que j’essaie de m’extirper d’un état comateux. Je mâche, remâche, reremâche chaque bouchée de mon sandwich. Je sais qu’il me faut manger pour retrouver la force d’affronter le second chantier de la nuit : le col de finiels ou l’exigeant franchissement du Mont Lozère entre Le Bleymard et le Pont-de-Montvert. Entre deux bouchées espacées, je demande à Thierry de négocier avec les locaux – en nombre au comptoir – une voiture pour me déposer au sommet. Là encore, pas d’échappatoire à moteur. Il va me falloir poursuivre, courageusement. Les nausées disparaissent et vers 21H30, nous nous élançons dans le froid, à la lueurs de nos frontales PETZL (quoi de mieux ?) en direction de la station du Mont Lozère. Une fois encore, Simon et Thierry prennent rapidement de l’avance. Je les suis à distance en relevant parfois la tête du guidon et apercevant la lueur de leur lampe.

Dans les lacets de Malavieille, bêlements et aboiements donnent à ma procession solitaire une dimension angoissante. Les encouragements à distance de Thierry m’aident à franchir « le côté obscur de la Force » (7). Recoca à l’abri du vent au Chalet du Mont Lozère et la conviction que le plus dur est fait. Viennent ensuite le raidillon d’accès au plateau sommital du Mont Lozère et une traversée entre des murs de neige s’élevant jusqu’à 1M20. La pleine Lune illumine notre Voyage au bout de la nuit et chacun y va de son qualificatif tant l’instant est magique. « Biking is life » ! Le vélo c’est la vie, c’est ce que nous ne cessons de nous dire à cette heure improbable à laquelle nous traversons, seuls, ces hautes terres cévenoles.


A l’approche du col de Finiels (1541 M), le vent du Nord redouble de puissance comme pour mieux nous faire basculer vers le Sud et la vallée du Tarn. Au col, Simon s’essaie au Kite-Bike, tentant d’enfiler sa veste coupe-vent en prévision de la longue descente de 12 KM qui nous ouvre les bras jusqu’au Pont-de-Montvert (945 M). J’immortalise l’instant avec mon Nikon D5 et pense à l’Ami-Artiste BEREFLEX qui nous aurait sorti des photos dont il a le secret. Je me dis que faute de photos, j’essaierai plus tard de trouver les mots…
22H45. « Ça balance pas mal » (8) dans la descente. Nous traversons tour à tour les hameaux de Finiels puis de Prat-Souteyrant avant d’apercevoir les premières lueurs du Pont-de-Montvert. « C’est encore loin Florac ? ». Thierry tente de joindre « la famille d’accueil » pour annoncer notre arrivée et programmer la mise sur le feu d’une soupe maison. On cafouille et voilà le BlackBerry bloqué. L’iPhone de Simon vient au secours et nous filons à bon train descendant sur la D998 en direction de Florac via La Vernède, Cocurès et Bédouès au sortir duquel Thierry commence à rouler sur la jante : boyau percé ou le fameux « mordant du silex » cher à notre prédécesseur Robert Louis Stevenson.

Après avoir bifurqué à gauche au rond poind de la N106, nous entrons dans Florac puis prenons à droite la D907 en direction de Barre-des-Cévennes. « C’est encore loin Le Cri du Papillon ? ». Vers minuit trente, notre « famille d’accueil » nous ouvre les portes. C’est parti pour une heure trente de frugale pause et repos autour d’une soupe légumes et d’un cake aux olives Home Made ! On recharge l’iPhone grâce à la Fée électricité et déjà l’on évoque de futurs « travels » au long cours… On ne les arrêtera jamais ces futurs Challengers des Alpes ! Thierry en profite pour remplacer le boyau arrière de son LOOK et voilà l’heure de repartir.

Deux heures du matin et l’on retend les chaînes en plein milieu de la route. Pas une voiture, pas un bruit hormis celui des rafales de vent. C’est le temps de la remontée de la N106 jusqu’à Cassagnas et sa gare ainsi que l’Espace Stevenson, en contrebas de la nationale, lové au creux de la vallée de la Mimente. Intrigués mais pas inquiétés par les stickers noirs apposés sur les panneaux directionnels du Plan de Fontmort et de Saint-Germain-de-Calberte, on s’arrête net au panneau ROUTE BARRÉE interdisant le franchissement du pont métallique au-dessus de la Mimente. Et pour cause, ce dernier est en travaux de restauration ! Nous voilà dans de beaux draps, au-dessus du lit infranchissable de la rivière. On s’approche, on franchit les barrières grillagées et finalement nous progressons d’une rive à l’autre via l’échafaudage du chantier. Ma guidoline gauche en sort tout ébouriffée.

Le pont – ou plutôt ce qu’il en reste – franchit, s’offre à nous désormais ce que je sais être la dernière grosse difficulté de notre voyage : l’ascension du Plan de Fontmort. Très vite, Thierry et Simon s’échappent. Je m’accroche à l’arrière et progresse par louvoiements à la lueur de ma précieuse lampe frontale. Dans les bruits et la sauvagerie de la forêt, je m’attends à voir surgir à tout instant chevreuil et autre sanglier. Ça bouge. Regroupement au Plan de Fontmort (896 M) et début de longue, longue, longue descente vers Saint-Germain-de-Calberte. 14 KM de route étroite et sinueuse, puis 10 de plus jusqu’à Saint-Etienne-Vallée-Française pour mieux mesurer l’engagement du Voyage au bout de la nuit.

De nouveau en proie à de pénibles nausées je me sens également m’endormir au guidon. A plusieurs  reprises je redresse la barre, inquiétant un peu plus à chaque embardée mes deux compagnons. Sous le regard fixe du chat de Saint-Etienne, on s’affale en terrasse dans les sièges de l'unique bistrot du village.
Pour le café il faudra repasser car il est tout juste 5H00.
On repart donc sans café pour la quarantaine de derniers kilomètres qui nous séparent d’Alès, terme de nos voyages. Un voyage, des voyages : le mien certes mais aussi celui de Simon et celui de Thierry. A vélo, plus encore à pignon fixe, le voyage est collectif mais également individuel, intérieur. L’endurance et le mental nécessaires pour rouler respectivement en 44/22, en 46/17 et en 42/17 sur pareil tracé exigent des moments extrêmement personnels.

Le pignon fixe, c’est l’art de la complication, comme en haute horlogerie. Le pignon fixe, c’est l’essence même du vélo de route, c’est l’art du voyage à vélo, sur les traces des pionniers, sans la moindre possibilité de tricher, pas même avec l’aide d’une dent supplémentaire. On choisit son ratio et l’on s’y tient. On choisit son vélo et l’on s’élève à la seule force de ses jambes. Parmi les Fixie Riders il existe trois catégories principales : « les poseurs, les voyeurs, tous ceux qui aiment s’faire voir » (9) ; ensuite les urbains adeptes des critériums et de l’adrénaline horizontale et puis, plus rares, les voyageurs au long cours. Pour cette dernière catégorie, c’est clairement le goût pour l’effort, je dirais même le goût pour une certaine souffrance, qui caractérise l’entrée en religion. L’objectif est de s’élever, dans tous les sens du terme, à l’image d’une Vie.

06H30 en ce dimanche 16 mars 2014. J’ai laissé filé Thierry et Simon à vive allure vers Alès afin que ce dernier puisse accrocher le TER de 08H46 à destination de Clemont-Ferrand. Sur les hauteurs de Saint-Jean-du-Gard et alors que j’escalade la D50 en direction de Mialet, je repense aux larmes versées ici-même par Robert Louis Stevenson dans le coche qui le menait à Alès.
Il avait « perdu Modestine » (3). « Pendant douze jours nous avions été d’inséparables compagnons ; nous avions parcourus sur les hauteurs plus de 120 kilomètres, traversé plusieurs chaînes de montagnes considérables, fait ensemble notre petit bonhomme de chemin avec nos six jambes par plus d’une route rocailleuse et plus d’une piste marécageuse. Après le premier jour, quoi que je fusse hautain dans mes façons, j’avais cessé de m’énerver. Pour elle, la pauvre âme, elle en était venue à me considérer comme une providence. Elle aimait manger dans ma main. Elle était patiente, élégante de formes et de couleur d’une souris idéale, inimitablement menue. » … « Le père Adam pleura quant il me la vendit. Quand je l’eus vendue à mon tour, je fus tenté de faire de même. Et comme je me trouvais seul avec le conducteur du coche et quatre ou cinq braves jeunes gens, je n’hésitai pas à céder à mon émotion. » (3)

À mon tour, alors que j’entrai vers 08H15 dans Alès après en avoir bavé de Générargues à Saint-Jean-du-Pin, je n’hésitai pas à céder à mon émotion. Nous en avions terminé avec nos Fixies, avec ce prologue et cette camaraderie si intense que seul pareil voyage sait générer. Chacun devait penser déjà au chemin du retour, à la vie sédentaire, à la vie sans Modestine (3).
 

LE PUY – ALÈS : Un Voyage au bout de la nuit ou le voyage des Rois. Et pour cause, nous n’avions qu’une seule couronne pour faire parler la poudre, alors, nous sommes devenus les Rois de la nuit… fixivement.

(1) Voyage au bout de la nuit – un roman de Louis-Ferdinand Céline (1932)
(2) Ça commence comme un rêve – une chanson de Julien Clerc (1997)
(3) Travels with a Donkey in the Cévennes – un livre de Robert Louis Stevenson (1879)
(4) Le Mont Ventoux – Bédoin (300 M) > Sommet (1912 M)
(5) La longue route – un livre de Bernard Moitessier (1971)
(6) Hors d’atteinte – un film de Steven Soderbergh (1998)
(7) Star Wars – une épopée cinématographique de Georges Lucas (1977)
(8) Ça balance pas mal à Paris – une chanson de Michel Berger (1976)
(9) Paris Latino – une chanson du groupe Bandolero (1983)
* Simon KIRSCHER roule en 46/17, quel que soit le temps et le relief, à l'image de ses 500 km entre le 24 et le 31 décembre derniers dans le cadre du Rapha Challenge THE FESTIVE 500 (1er finisher français) ou plus encore lors de ses 12 ascensions en une semaine du Mont Sainte Odile dans le cadre du challenge RAPHA RISING. Outre différentes « classiques du Nord-Est », parfois même jusqu'en Allemagne, Simon a inscrit à son agenda 2014 une « revanche » en mai sur les pentes du Géant de Provence ainsi qu’un second "Travels" à travers les Alpes entre Evian et Nice (12-14 juillet), toujours en compagnie du Maître Thierry Saint-Léger, cette fois sur les traces d'Emile Georget, premier cycliste de l'histoire à avoir hissé son vélo à pignon fixe en 1911, sans mettre pied à terre, jusqu'au sommet du Col du Galibier !

** Thierry SAINT-LÉGER roule en 42/17 (sauf exception) et compte notamment à son actif un Marseille-Paris (860 km) en moins de 48 heures, un Paris-Brest-Paris (1 230 km) en 85 heures ainsi qu’un Rome-Paris (1 800 km) en 5 jours et 16 heures. Il a également participé en catégorie « SOLO » à plusieurs courses de 24 heures dont les 24 HEURES DU MANS VÉLO (20ème du classement 2013 – catégorie Solo – avec 585 km et 6507 m de dénivelé cumulés sur le Circuit Bugatti à une moyenne horaire de 24,35 km) et les 24 HEURES DE CAVAILLON (1er du classement 2012 – catégorie Solo – avec 504 km parcouru sur le vélodrome Lombard à une moyenne horaire de 20,99 km). Outre différentes « classiques du Sud » et le R.P.E (Raid Provence Extrême), Thierry Saint-Léger a d’ores et déjà inscrit à son agenda 2014 un voyage d’une toute autre envergure entre Evian-les-Bains et Nice ou la première Grande Traversée des Alpes…à pignon fixe !