Au commencement était le voyage et le voyage était à vélo. Un
premier grand voyage qui remonte au tout début des années 80, entre
Châtenay-Malabry (âgé d’une dizaine d’années, j’habitais là, lové ou presque
contre la maison de « La Vallée-aux-Loups » du Romantique
Chateaubriand) et la propriété familiale de La Bretellerie dans la Sarthe, à
mi-chemin entre Le Mans et Tours.
Un
voyage de 250 kilomètres effectué « à la pédale » et « au
cœur », en deux étapes, avec mon frère (de trois ans mon cadet) et au
guidon et levier simplex de mon tout premier vélo de route (équipé de trois
vitesses) au cadre en acier d’un improbable coloris vert anglais.
Trente
cinq ans plus tard, l’image qui me revient spontanément de ce voyage d’enfance
est celle d’une ligne droite, sans fin, bordée de champs de maïs à perte de
vue, ceux de la Beauce céréalière à valeur de clé des champs, de « grande
évasion » pour mon frère et moi-même…
Avec
le recul en effet et les fortunes diverses de la vie professionnelle, je me dis
aujourd’hui qu’à l’heure de ce voyage initiatique nous étions dans le vrai.
Voyager, de surcroît à vélo, c’est se mettre en mouvement, « c’est quitter
le lit douillet de la civilisation », c’est « sentir sous ses
pieds » - roues – « le granit terrestre avec, par endroits, le
coupant du silex » - le mordant de l’asphalte… J’ai toujours cherché à sortir
des sentiers battus, des certitudes, des habitudes et la vie n’a cessé de me
ramener sur « Les sentiers de la perdition », ceux des conservateurs,
ceux des sédentaires, ceux des immobiles, ceux « des gens hargneux ».
Quoi de mieux pourtant que le nomadisme, que « le goût des autres », que
cette conviction qu’il y a toujours de nouvelles routes à affronter, de
nouvelles rencontres à effectuer, de nouvelles terres inconnues à découvrir,
par delà la ligne d’horizon, droit devant soi ? Pour mon frère et moi-même,
nous avions vite compris à vélo que « Le monde ne suffit pas ». Au
guidon de nos vélos de course successifs et à la force de nos mollets, nous
écumions routes après routes la verte banlieue sud-ouest de Paris au prix de
quelques fringales, tant les distances avalées étaient de plus en plus
importantes. Partir loin, ailleurs, pour découvrir et se découvrir. Le vélo est
un révélateur. Il est aussi le miroir de ce que nous sommes, « puissant ou
misérable ». Quel dommage que certains ne puissent le pratiquer qu’en
trichant alors même que le vélo n’est intéressant que lorsqu’il est pratiqué à
nu, c’est-à-dire avec ses seules tête et jambes, propres, limpides,
ambitieuses, généreuses, épicuriennes et donc plus musclées que dopées. Encore
une fois, c’est tout le débat autour du pourquoi faisons-nous les choses. Quand
certains s’élancent à vélo sans réel objectif si ce n’est celui de Grandir –
avec un grand G – comme nous le faisions à l’adolescence, d’autres ne se
mettent en selle – en scène ? – que pour ce qu’elle pourrait leur
rapporter, remplir leurs bourses – « je parle de celles qui font
références aux thunes » comme le dit ABD al Malik. Grandir ou
s’enrichir ? Dans les deux cas il s’agit d’une quête d’ascension,
l’important étant toutefois de ne pas se tromper quant au sens donné à la dite
ascension. Sens et essence de la vie, « qu’est-ce qui fait marcher »,
rouler, voyager ? En pleine souffrance – parce que le vélo fait souffrir –
je me pose toujours cette question sur ce qui peut bien nous pousser à nous
mettre régulièrement en selle, à nous confronter aux caprices des courbes de
niveau, à « mouiller le maillot ». Sûrement une question de relief
que l’on souhaite ou non donner à sa vie. « No pain no gain » disent
les anglo-saxons, sans souffrance, sans efforts, sans courage, point de
grandeur, point de salut à l’heure de la « Rencontre avec Joe Black »
mais peut-être – surtout ? – point de saveur donnée à son quotidien.
« Une vie rêvée » ou une vie de blasé ? Avec mon frère, élevés à
la sauce proverbe du « Aide-toi et le ciel t’aidera », nous n’avions
pas d’autre choix que de nous appliquer – infliger – un « Bouge-toi et tu
grandiras ». Dès lors, nous sommes rentrés en mode pionniers, avec dès la
fin des années 70, alors même que le « Mountain Bike » n’avait pas
encore traversé l’Atlantique, une version personnelle et alternative du
cyclo-cross escaladant ou dévalant les single tracks du bois de Verrières de
notre banlieue parisienne aux commandes de nos vélos de route customisés par
nos soins pour un atypique et novateur usage « vélo tout terrain ».
Le « Gravel Bike » avant l’heure... Tout y a souffert jusqu’à y plier
bien sûr nos frêles jantes, déchirer nos étroits pneumatiques, fragiliser nos
cadres et même ébranler nos carcasses au contact des arbres se jetant sur
nous sans crier gare !
Elevé
au vélo, dans tous les sens du terme, je réalise aujourd’hui que mes différents
vélos d’adolescent puis d’adulte ont été classiquement tour à tour d’acier,
d’aluminium et enfin de carbone.
Cette
lente et progressive « galerie de l’évolution » aurait pourtant bien
pu s’interrompre courant 2012 au « Carbonifère » sans le « big
bang », sans les rencontres et l’inspiration générés par un nouveau grand
voyage à vélo, bien plus au Sud que le premier, de Marseille à La Rochelle. « Born
to Ride » le bien nommé ou la naissance - le commencement – en effet d’une
« Second Life » sur la route. Des villes et des routes. Des vélos et
des hommes. Des matériaux et des styles,
caractéristiques, à l’image du style de Thib, chevauchant avec élégance,
« brakeless » d’une mer à l’autre, un très sobre vélo en acier
Columbus chromé à pignon fixe. Un style « vintage » dans lequel je ne
peux que plonger à mon tour, sans frein ou presque, peu après notre retour de
La Rochelle et son phare du Bout du Monde. En février 2013, mon
« plongeoir » est un Bianchi Pista en acier, « Made in
Taiwan ». Dès lors mon Kuota carbone équipé triple mord la poussière. Le
« pignon fixe » prend rapidement le dessus. Et pour cause, le grand
amour est toujours exclusif…
Avec
mes nouveaux camarades « fixés » ou seul, en 44x17 ou en 44x22,
j’écume dès lors, de jour comme de nuit, les routes cévenoles sur les traces de
Robert Louis Stevenson et de Modestine, les pentes du Géant de Provence et les
routes sinueuses du Luberon et des cols de l’arrière pays niçois. Je sillonne
près de deux ans durant chaque « balcon sur la mer » que compte la
Riviera entre Antibes et Vintimille aux soirs d’exils hebdomadaires forcés. À
la quarantaine passée, las de chercher de jour l’épanouissement
(professionnel), c’est désormais la nuit que je trouve sens et essence à ma
vie. Et pour cause, un « voyage au bout de la nuit », un voyage à
travers les Alpes à pignon fixe, celui d’un nomade à vélo, avec pour seules
armes ses jambes et son cœur, vous apprend tellement plus sur vous-même et sur
vos camarades de méharée qu’une journée de sédentaire au clavier, prisonnier
d’un bureau poussiéreux et d’un collectif poussif parce que sans projet.
A
l’approche du virage de 2015, l’exquise esquisse d’un retour s’amorce. Un
retour aux valeurs, aux convictions, à la création, à la liberté, un retour au
grand voyage. Un retour aux vitesses aussi, conscient que le pignon fixe c’est
tout de même un peu trop « l’art de la complication ». Un retour
enfin au développement durable et donc un retour « au vert », celui
de mon tout premier vélo et donc un retour à l’acier.
Comme
une évidence, le regard se braque alors vers l’Auvergne…
Du
jetable au durable. De la mode au style. Du commun au rare. Du générique à l’exclusif.
Du prêt à porter à la haute soudure, celle des Cycles Victoire.
Leur
vélo – mon vélo - dont on voit ici les premières photos est un joyau de
l’artisanat français, un joyau dont j’ai choisi le modèle pour sa polyvalence,
pour son élégance et dont j’ai suivi à distance, par « échographies »
successives, tout le processus de création. Un joyau – fabriqué à la main en
France - dont j’ai sélectionné en amont la préciosité des tubes d’acier
Columbus (Life) parmi tous ceux proposés, dont j’ai commandé le coloris (vert
anglais à liseré blanc) et sélectionné tous les périphériques (du groupe Sram Force
CX1 aux roues MAVIC Ksyrium Pro Disc en passant par la potence, le guidon et la
tige de selle EASTON, jusqu’au détail des gaines de freins, rouges Racing
!).
Ce
Victoire Versus Disc, « mon Victoire », est à coup sûr le vélo d’une
vie, celui de « La vie devant soi », celui qui résume si bien
aujourd’hui le cycliste que je suis, celui qui résume si bien mon histoire,
« ma vie sur la route ».
Nul doute, un Victoire est une histoire, celle de chacun d'entre nous, celle d'une méharée sur deux roues...
Nul doute, un Victoire est une histoire, celle de chacun d'entre nous, celle d'une méharée sur deux roues...
Joli blog , joli texte et joli vélo tu es un poète !!!!
RépondreSupprimer